Née dans les entrailles du mal pour tromper, servir et obéir.
Tu ne connais pas la défaite car nul ne peut descendre plus bas qu'aux tréfonds des enfers.

Les plaintes douloureuses se mêlaient aux gémissements lascifs. Suspendue telle une marionnette par des ronces noires qui descendaient du plafond, l'Huldras offrait sa volupté à son créateur qui la martelait de sa virilité avec violence. Dans les gouffres de sa tour démente, parmi les cadavres mutilés par ses bourreaux, entre les instruments de torture où patientaient quelques prisonniers envieux, il prenait plaisir à s'extasier sous sa forme bestiale démesurée. Ses mains griffues courraient les courbes gonflées par les cordages de sa petite préférée, la douce et délicate Adrastée. Il attrapa sèchement sa longue chevelure blonde rejetant son corps vers l'arrière pour mieux palper ses seins ensanglantés, les épines enfoncés dans sa chaire lui arrachant une plainte à travers la bâillon qui lui obstruait les lèvres. Difficile de croire que la belle puisse soutirer une once de plaisir dans ces ébats sadiques. Son antre se fissurait sous les coups du prince-démon, le sang ruisselant sur ses cuisses de pêche, éclaboussant sa peau rougie à chaque claque qui s'abattait sur elle. Jusqu'à que le grognement du monstre se fasse plus bestial… et que l'Huldras pousse un ultime cri pour le gaver d'orgueil…

Le corps frêle meurtri s'échoua lourdement au sol, libéré de ses attaches alors que son amant infernal quitta le donjon des vices après avoir repris sa forme humaine, sans plus de considération. Les dents grinçantes, la belle lissa le mur de la main pour trouver la force de se relever, cherchant parmi l'étendue sanglante les voiles blancs de sa robe de nuit. Titubante de douleur, elle enfila péniblement son vêtement, s'approchant des créatures captives qui avaient participé placidement à la scène. D'entre elles, son choix se porta sur l'un de ses semblables, un Huldras blessé et jaloux du spectacle auquel il venait d'assister. Elle posa la main sur sa gorge, se nourrissant de sa fièvre et de ses envies. Elle l'épuisa jusqu'à ses jambes ne puissent plus le supporter, jusqu'à ce que les pieux enfoncés dans ses mains ne déchirent ses ligaments sous le poids de son corps qui s'affaissait. Lentement, les plaies de l'immortelle se soulageaient et elle regagnait assez de forces pour quitter ce lieu sordide. Dommage pour ce bellâtre qui reposait inerte dans son sang, mais la douce Adrastée ne pouvait se permettre de défaillir cette nuit.

Ses orteils nus foulent le sable granuleux de la terre des morts, les voilages d'un blanc presque translucide de sa robe tachée de sang s'évaporant sous son passage silencieux. La douleur ampute sa démarche élégante, mais l'orgueil garde sa tête bien haute. Adrastée toise de ses iris plus bleus que les cieux les gardes démoniaques qui se délectent des courbes parfaites de son corps légèrement drapé. Aucun d'entre eux n'aurait le courage de poser la main sur elle malgré leurs envies, aussi affaiblie et vulnérable soit-elle. De toutes les Huldras créées par le prince des morts, aucune ne possédait la candeur de la demoiselle, sa grâce ou son élégance. Tel un ange volé à Dieu, arraché des voûtes célestes. De toutes ses créations, Satan avait fait d'elle sa préférée, son vice, sa victime et, qui sait, sa future Reine.

La tour infernale se dissipait derrière elle parmi les ombres. Ses pieds se posaient stratégiquement contre le sol, évitant ainsi de se blesser contre les ossements tranchants recouverts par le sable d'ébène. La créature finit par s'immobiliser derrière une dune où elle souffla quelques instants à l'abri des regards indiscrets de la garde satanique. Les landes désolées s'étendaient devant elle à perte de vue, un vide infini qui lui offrait un faux sentiment de sécurité. La belle inspira lourdement puis elle ferma les yeux, laissant son corps se mettre à vieillir jusqu'à ce que sa peau se ternisse puis pourrisse. Son thorax renfoncé ne laissait voir à présent que les lambeaux de chaires putréfiées et les os qui constituaient son tronc. Les traits creusés par la mort, la silhouette cadavérique s'avança, méconnaissable, revêtue d'une vieille armure rouillée, vestige d'anciens combats. Le pas lent, la pointe de la lame de son épée marquait le sol comme si son bras ne parvenait plus à porter le poids de l'acier. La draugr poursuivit sa route de longues heures, croisant d'autres âmes errantes, qui semblaient, comme elle, chercher une raison d'abattre leur vengeance sur ceux qui oseraient fouler la terre du prince des morts. Leurre. Le cadavre ambulant s'arrêta devant un plan d'eau asséché isolé puis s'agenouilla de ses articulations grinçantes. Lentement, le sable ondula tel un serpent, s'enroulant sur lui même jusqu'à former un tourbillon limpide. Bientôt, les traits du prince des ombres apparurent, secouant le petit coeur avarié de la draugr ravie et soulagée de revoir son créateur vénéré.

" Goohakkk immmnnn ouerrrk. " expia l'horrible damnée des muscles affaiblis de sa mâchoire putréfiée.

Le sourcil relevé, le prince roula des yeux, mitigé entre l'amusement et l'impatience.

" Au rapport, Euryale. Et avec un langage de l'an premier, par pitié, je n'ai jamais rien compris à tous ces grognements nordiques… "

Le crâne cadavérique de la guerrière afficha momentanément les douces lèvres ourlées de la belle Adrastée, un contraste utile pour retrouver le sens de la parole, mais au combien dérangeant d'un point de vue esthétique.

" Salutations, mon prince… " reprit la créature en posant un poing contre son torse en s'inclinant dignement " … pardonnez mon retard… Satan avaient des envies… ludiques ce soir...
- Oh, vraiment ? Et ça t'a plu, j'espère... " s'amusa le prince-démon.

Comment lui expliquer qu'aucune partie de son corps et de son esprit n'était pas souillée par cette mission d'espionnage dégradante. Elle scella tout son dégoût dans un sourire mutin perché au coin de ses lèvres. Jamais elle n'exhiberait une once de faiblesse devant son maître tant estimé.

" Satan est prétentieux et obnubilé par son désir de trouver une femme digne de lui. Mais il est faible…
- Qu'essaies-tu d'insinuer ?
- Ses créations sont ratées… toutes. Belles à l'extérieur, mais hideuses à l'intérieur… Il cherche la perfection, mais ses Huldras sont aussi jalouses et sournoises que lui. Elles ont toutes une partie du corps recouverte d'écailles. Je dois me méfier de la colère qui habite sa préférée… sinon je crains de me transformer entièrement en serpent sanguinaire et me jeter sur lui… je ne serais pas la première… Moi qui croyais être celle qu'il avait choisi d'épouser… plus le temps passe, plus je me rends compte qu'aucune d'entre nous ne réussira à le satisfaire entièrement… À mon avis, ce n'est qu'une question de temps avant qu'il ne se lasse définitivement de cette espèce qu'il a engendrée et qui finit par se retourner contre lui au moindre caprice…
- …et pendant qu'il se préoccupe de ses amantes enragées, l'armée de Lucifer a doublé ses effectifs aux limites de leurs territoires, sans raison apparente et il ne s'en soucis guère. Bien. Inutile de te laisser plus longtemps à ses côtés, reviens au palais des ombres. Nous devons concentrer nos efforts vers le Styx. "

Euryale acquiesça en silence d'un mouvement de tête entendu, laissant le prince se dissiper dans les sables fins. Le coeur léger, la Morphis soupira d'extase. Enfin, elle pourrait retrouver la terre des ombres. Après des décennies passées aux côtés de cet idiot égocentrique de cornu. Mais avant… une dernière nuit tourmentée l'attendait… s'en était fini d'Adrastée la douce… Il connaîtrait la puissance jalouse de son Huldras favorite… il était temps d'abattre sa vengeance… tout ce qu'elle espérait, c'est que Satan n'est pas envie d'une nouvelle paire de bottes en peau de serpent…

Tes compétences reflètent tes sacrifices.
Tes sentiments sont ambitieux, mais sa gloire sera la sienne.
N'oublies jamais pourquoi tu abats ta fureur. Rien n'est à ta hauteur.

Plusieurs mois s'étaient écoulées depuis son évasion des enfers. Tromper la vigilance de la grande gardienne s'était avéré encore plus difficile que d'errer sur le territoire des ombres durant le grand raid. Dès sa sortie de la brèche infernale, des sorciers l'avaient prise en chasse. Des Cerbères. Les protecteurs du monde des humains… mignons comme tout, et dangereusement insistants dans leur désir d'anéantir toute créature émergée des enfers. Mais le prince des ombres n'aurait pas mis sa confiance entre les griffes d'une incompétente, la patience avait toujours été son maître mot. La Morphis s'échappa, décidant volontairement de quitter la ville par prudence afin d'apprivoiser ce monde qui lui était encore inconnu. De toutes les rumeurs proférées par les créatures bannies de la forêt des exilés, aucune ne rendait réellement justice à tout ce que cette terre de vie avait à offrir. Même si le parasite Z avait causé bien des ravages chez les humains, il n'en demeurait pas moins que le monde dans lequel ils vivaient représentait un véritable terrain de jeu. Toute cette végétation luxuriante… si étrange… l'air pur lui donnait le vertige… et cette boule jaune lumineuse élevée dans les cieux qui brûlait les rétines semblait jeter le regard accusateur du divin sur elle…  jamais Euryale n'avait été aussi près des voûtes célestes… Mais de toutes ces merveilles, les humains demeuraient la richesse la plus précieuse, une véritable source d'émotions difficile à maîtriser. Tant de nuances, de la haine à l'amour, tant de complexité à apprivoiser. Sa première transformation l'enivra aussitôt… jamais elle ne s'était sentie aussi… vivante. Si seulement Belial pouvait partager cette ivresse…

…bientôt…

Euryale marchait dans les bottes d'un ancien pompier, Eden, un survivant costaud qu'elle incarnait depuis plusieurs jours. Rares étaient les survivants dans la ville de New-York, mais elle espérait bien trouver un original digne de la satisfaire. Quelqu'un qui lui plairait aussi bien physiquement que mentalement. Quelqu'un qu'elle pourrait incarner de manière permanente à Coven Valley, cette ville qui était devenue le nouveau royaume de sang, à l'insu de ses habitants. Un nouveau corps… le sien… son identité humaine… celle qu'elle avait toujours souhaitée… Ainsi, elle pourrait jouer convenablement le rôle d'intermédiaire entre les princes-démons, comme Belial lui avait exigé. En attendant, elle comptait sur les muscles de cet homme copié pour assurer sa survie. Plus de temps la créature passait seule, plus elle s'affaiblissait. Aussi rassasiantes soient les émotions humaines, elle devait s'en abreuver régulièrement pour ne pas perdre ses pouvoirs. Errer sous sa forme infernale était loin d'être parmi les options les plus sécuritaires, même si on pouvait la prendre pour l'un de ces cadavres ambulants qui aurait subit quelques… mutations supplémentaires. C'est dans une rue résidentielle de Brooklyn que le pompier croisa la route d'un petit groupe de survivants. Ils étaient quatre, deux hommes et deux femmes. C'était elle. Elle, la jeune femme à la longue crinière blonde remontée contre sa nuque. Elle avec ses iris bleus tel le ciel au dessus de leur tête, son sourire mutin qui semblait se moquer de la fin du monde. Même sous ses vêtements abîmés et souillés, la morphis discernait les courbes parfaites de sa silhouette gracile. Les envies avides de la créature se percutèrent aux désirs sournois de l'homme qu'elle habitait. Il observa discrètement, durant quelques jours, les deux couples qui avaient décidé d'élire domicile dans l'une des maisons en rangée. S'incruster dans leur vie devenait une nécessité, un besoin obsessif. Mais pour cela, le pompier devait s'imposer, forcer une décision unanime quant à son intégration dans le groupuscule…  alors une nuit, il abattit un poteau de circulation à l'équilibre déjà précaire qui allait s'échouer sur le trottoir, détruisant trois voitures stationnées devant la maison du groupe. Le système d'alarme du véhicule ne tarda pas à déchirer la nuit de ses hurlements aléatoires, ameutant tous les marcheurs aux alentours. Le pompier apparut par la cour arrière, terrassant les zombies agglutiner pour offrir un échappatoire aux survivants, les invitant à fuir dans son 4 x 4.

Quelle chance qu'Eden soit passé par là… et dire qu'ils vivaient cote à cote pendant tout ce temps…
Oui… quelle chance… qu'il soit tombé sur eux. Sur elle.

Les cinq survivants décidèrent de trouver un nouveau refuge avant que la voiture ne manque d'essence. Ils survécurent plusieurs semaines ensemble, créant des liens d'amitié et de confiance. Euryale décryptait ces humains avec gourmandise, s'abreuvant de leurs confidences, multipliant les tapes rassurantes sur les épaules et les accolades amicales. Cette peur, ce doute, cette incertitude face à l'avenir gavait son estomac, mais de toutes les émotions rassasiantes, la plus extatique demeurait ce sentiment naissant qu'il découvrait dans les sourires allongés de la radieuse Charlize à son égard. Et les rasades d'amertume de son mari Peter, le seul n'ayant jamais vraiment considéré le pompier comme l'un des leurs. Inutile de se leurrer, Eden possédait le charisme et la force nécessaire pour organiser la survie du groupe. Peter devenait l'élément faible, celui qui prenait des décisions spontanées et audacieuses lors des expéditions. Les tensions s'accentuaient au fils des semaines à mesure que les vivres venaient à manquer. Oh, inutile de préciser qu'Eden ne ramassait qu'une quantité minime de nourriture lors des sorties, s'assurant ainsi de garder la précarité du groupe. Il n'hésitait pas d'ailleurs à offrir ses portions aux demoiselles, se contenant de très peu pour survivre. Non seulement la nourriture humaine ne lui apportait aucun bénéfice, mais cette dévotion enrageait la gente masculine. Eden s'amusait à s'isoler, faussement renfrogné et introspectif, sachant que Charlize encline de sympathie viendrait s'assoir près de lui pour étouffer ses tourments en lui racontant des souvenirs de son enfance ou de simples anecdotes amusantes du passé. Des échanges si innocents… Jusqu'à ce que le pompier pose sa main sur celle de la demoiselle et lui enlace les doigts en insistant sur tout le bien que sa présence lui procurait… un contact qui n'alla pas plus loin, interrompu par l'arrivée de Sophia qui s'inquiétait d'une dispute entre Peter et Henry.

…bientôt, Charlize… bientôt… toi et moi ne serons qu'un…

Bientôt, ils se retrouvèrent en mission de ravitaillement dans un centre d'alimentation. Eden invita Charlize à le suivre jusqu'à la salle des employés pendant que les autres s'affairaient dans les allées. Souvent les survivants ne prenaient pas la peine de fouiller ces pièces plus isolées qui renfermaient plusieurs machines distributrices, sans parler de tous les articles abandonnés dans les casiers du personnel. L'homme sécurisa les lieux puis laissa la jeune femme s'avancer, heureuse de découvrir barres chocolatées et sacs de croustilles alignés derrière une vitrine. Elle s'interrogea sur la meilleure façon de briser la vitre sans se blesser, mais le reflet d'Eden apparut au dessus de son épaule. Les mains de l'homme se glissèrent sur son corps alors que ses lèvres s'échouèrent dans le creux de son épaule. Elle lui murmura d'arrêter, pour le bien du groupe, mais ses lamentations n'avaient rien de convaincantes. Les mains inquisitrices se frayèrent un chemin sous le chandail de la belle, palpant ses seins avec avidité. Elle fit volte-face, le priant encore du regard de ne pas la tenter, mais les doigts du pompier s'attaquait déjà à la ceinture qui retenait son pantalon. La créature savourait tout de ce corps si sublime, se récompensant de sa patience à chaque fois que ses lèvres s'entichaient de celles de l'humaine. Chaque fois que sa virilité glissait en elle, c'est un flot d'informations qui déferlait dans la tête de la créature. Cette salive mêlée à la sienne lui ouvrait les portes de ses moindres pensées, de ses fantasmes, de ses vices. Les gémissements de Charlize s'intensifiaient, la poigne de l'homme sur ses fesses rondes s'accentua au rythme de ses pénétrations de plus en plus violentes. Puis la porte s'ouvrit, laissant apparaître le visage atterré de Peter. Ce dernier déjà furieux que le binôme se soit éclipsé sans les avertir venait de voir ses pires craintes confirmées. Eden eut à peine le temps de ranger son bambou joyeux qu'il se retrouva plaqué contre le mur à son tour, un cocu enragé perché à son cou bien décidé à lui régler son compte. Une violente bagarre éclata entre les hommes au grand désespoir de Charlize qui reçu un coup perdu en pleine gueule. En un vol plané, Peter traversa les portes de l'entrepôt, Eden se jetant à nouveau sur lui pour le marteler de coups. Lorsque le pompier releva la tête, il aperçu des marcheurs curieux s'agglutinant devant un grillage. Un tel groupe ne mettrait pas de temps à le faire céder. Le pompier releva son adversaire pour l'écraser contre la grille, lui maintenant la tête.

Aucune pitié.
Les marcheurs plantèrent leurs dents dans la chaire de l'homme qui hurlait toute sa douleur.
Et ils firent gicler son sang.

Eden le relâcha au dernier instant, savourant chacune des émotions que l'agonisant lui procurait avant de se retourner, confronté au regard terrorisé de Charlize.

" Tu l'as tué… tu l'as tué… " ne cessait de répéter la blonde de ses lèvres tremblantes.

Mais quel sorte de monstre es-tu ?
Quel monstre es-tu ?

" Charlize… "

Le pompier lui tendit la main, un sourire charmant au visage mais la belle hocha la tête, reculant à tâtons tandis que la grille cédait sous la vigueur des morts qui ne pouvaient se contenter d'un amuse-gueule.

" …ça y'est… après tout ce temps, tu es enfin à moi...  "

La belle se mit à pleurer puis se retourna bien décidée à sortir de là sans demander son reste. Eden était devenu fou… Eden… sortit son arme et abattit la demoiselle d'une balle en pleine tête. Le corps du pompier mua lentement pour prendre les traits de la sublime défunte. Son cadavre ralentirait la horde… et il n'y aurait plus qu'une seule ravissante blondinette en ce monde...

Parce que je suis Charlize Simmons, au service du prince des ombres...  
Et qu'il est temps de s'amuser un peu.